La truite fario est le poisson roi de nos rivières.

Comme le bassin versant du Lignon appartient au bassin de la Loire, la fario est de souche atlantique.

 

En effet il existe différentes lignes évolutives de la truite fario (adriatique, atlantique, danubienne, marmoratas, méditerranéenne,...). 2 lignes sont présentes en France : atlantique et méditerranéenne.

 

La ligne atlantique peuple les cours d'eau qui se déverse dans l'océan atlantique et de même, la méditerranéenne peuple les cours d'eau qui se jette dans la mer …. méditerranée.

 

Au sein d'une ligne évolutive, il peut y avoir plusieurs "sous-familles" qui présentent des différences génétiques notables.

Dans la ligne méditerranéenne; on a la souche principale dite méditerranéenne mais aussi la souche corse.

Dans la ligne atlantique, on distingue la souche ancestrale et la souche moderne :

  • L'atlantique ancestrale était présente avant les dernières glaciations datant de -70 000 ans à -12 000 ans
  • l'atlantique moderne serait apparue dans la région de la baltique pendant cette glaciation suite à une mutation génétique. A la fonte des glaces, elle a colonisé progressivement les cours d'eau de l'europe entière. Et elle a servi aux pisciculteurs et pêcheurs pour "repeupler" les cours d'eau (enfin plutôt pour rendre la pêche plus facile)

Aujourd'hui la souche ancestrale n'existe pour ainsi dire plus (peut-être au pays basque).

 

Chaque lignée présente une "robe" distincte. Mais qui varie en fonction des souches et des cours d'eau. Ce n'est donc pas un critère exclusif pour identifier ses origines.

La méditerranéenne a des points - noir et rouge - très nombreux et de petite taille et souvent des 3 bandes verticales plus sombres. 

Truite de souche méditerranéenne (Lignon d'Ardèche)
Truite de souche méditerranéenne (Lignon d'Ardèche)

Chez la truite "atlantique" les points sont moins nombreux et plus gros.

Généralités

L'étude complète sur la truite fario (état des populations, croissance, génétique) réalisée par le service technique de la FD42 nous a plus que conforter dans notre politique de gestion.

  1. Les populations sont en bon état : les densités sont globalement bonnes - seules les conditions naturelles (altitude, morphologie de certains secteurs) limitent le développement des populations de truites fario. Ce qui démontre que la reproduction naturelle fonctionne bien et permet le renouvellement régulier  de la population, malgré les aléas climatiques.
  2. L'étude scalimétrique pour déterminer la croissance des truites démontre une grande variabilité de la croissance des truites en fonction de l'altitude. Si sur les hautes chaumes, la truite est mature à 14cm (apte à se reproduire), plus on descend, plus la croissance est rapide et une truite du lignon de plaine devient mature à 25cm. Sur la partie basse de notre secteur (Lignon en amont de Pontabouland, confluence du Cotayet et du Bouchat) la maille de 20 cm est limite. La maille est la taille légale de capture qui permet au poisson de se reproduire au moins une fois avant de finir dans le panier d'un pêcheur.
  3. L'étude génétique démontre également le diversité génétique d'un bassin à l'autre. Les truites du Lignon sont "différentes" des truites du Vizézy. De même, d'un ruisseau à l'autre, on constate également des différences. Ce qui signifie, d'une part qu'il n'y a pas eu une introgression marquée par les truites lâchées  il y a 30 ou 40 ans et, d'autre part, que les truites de souche sont parfaitement adaptées aux conditions locales.

Cette remarquable étude est consultable sur le site de la Fédération de Pêche de la Loire

 

A ces constats scientifiques, il faut ajouter notre ressenti de terrain.

On voit clairement une dégradation sur certains ruisseaux essentiellement liée aux sécheresses et fortes chaleurs constatées depuis 2003 'et plus particulièrement depuis 2015 sur les oups de chauds).

La population en truite farioo sur les ruisseaux de moyenne altitude (sources à 1000m) comme l'Essende, le Val bertrand, Le Courbillon, le Pralong disparait progressivement .

 

Si les crues affectent la population de truite, elle ne remet pas en cause son existence.

 

Explications

Une étude génétique effectuée par la fédération du Rhône avait comparée les caractéristiques génétiques des truites du département du Rhône avec des truites de la Mare, de l'Andrable et du Pierre-brune.

Les résultats confirmaient l'appartenance des truites du Pierre-Brune à un type génétique Loire (fleuve) au sein du rameau évolutif atlantique.

Ce qui signifie que ces populations ont été faiblement introgressées par des introductions de truites d'autre souche.

 

L'étude génétique complète portée par la Fédération de Pêche de la Loire apporte de nouveaux éléments (consultable sur le site internet de la Fédération).

 

Cette étude a permis de définir le taux d'introgression des truites d'élevage autrefois introduites (boite vibert, alevins, ...) dans les souches locales et de dresser une cartographie sur le département.

 

Des prélèvements ont été effectués sur les truites des cours d'eau de notre secteur : Lignon, Pierre-brune, Vizézy et plusieurs ruisseaux en 2011, 2012 et 2013.

 

Les résultats sont assez compliqués à interpréter mais on peut dire que :

  • le bassin du Lignon présente une population de truite spécifique au bassin. Elle se différencie génétiquement des autres bassins (aix, vizézy,...). Donc il n'y a que peu d'introgression restante des lâchers des années 70-80,
  • chaque affluent se différencie également des autres : la Morte est différente du Pierre-Brune, etc....
  • seul le ruisseau de la Pigne présente une population de truite fario qui se distingue fortement des autres - elle se rapproche d'ailleurs plus des truites de l'aix que celle du lignon ! Que peut-on en conclure ? reste d'une introduction passée et avec le cloisonnement naturel il n'y a pas eu de mélange ?
  • le cloisonnement naturel des sources permet de conserver des populations autochtones
  • sur chaque ruisseau la variabilité génétique entre poisson est faible = peu de reproducteurs (du fait du cloisonnement naturel, les individus ne se déplacent pas beaucoup)
  •  le bassin du Vizézy est un peu plus hétéroclite

En conclusion, on ne peut que se satisfaire de la gestion patrimoniale mise en place au début des années 90 qui a permis de revenir à une population "locale" en truite fario.

Elle est la plus adaptée aux conditions hydrologiques  locales.

 

La reproduction naturelle fonctionne bien, malgré les aléas climatiques qui font que certaines années sont plus "compliquées".


La croissances des truites

Cette étude génétique a été complétée par une étude scalimétrique qui permet de connaître la croissance de la truite en fonction des cours d'eau (et notamment de l'altitude).

 

Les mesures effectuées montre une grande variabilité de la croissance de la truite en fonction de l'altitude (et donc de la température de l'eau).

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Croissance des truites_BV Lignon-Vizézy.
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La maille (ou TLC = taille légale de capture) est la longueur minimum autorisée pour conserver une truite.

Cette maille a été théoriquement définie pour permettre au poisson de se reproduire au moins une fois dans sa vie.

Pour répondre à cet objectif, elle devrait être adaptée à chaque région, en fonction de l'altitude,...

Ce qui compliquerait la réglementation.

Elle a donc été fixé à 20cm en règle générale et à 23cm (voir 25cm) sur certains cours d'eau.

 

Cette étude sur la scalimétrie (mesure de la croissance des truites à travers l'analyse des écailles) montrent que sur tout notre secteur, une truite de 20cm est une truite adulte qui s'est reproduit au moins une fois.

Si on prend le Lignon, des sources à sa confluence avec la Loire, on constate une grande différence de croissance.

 

Ainsi une truite de la Pigne ne mesure que 13cm à son 3ème été alors qu'une truite du Lignon à Trelins fait déjà 24cm.

Ce qui fait presque du simple au double!


La fraie

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Cycle de reproduction
Croissance_BV Lignon.pdf
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Dans le document ci-dessus, il est important de noter que les truites femelles vont se reproduire - quelques soient leur taille - qu'à leur 3ème automne.

Une truite femelle née au printemps 2018 sera reproduira pour la première fois à l'automne 2020 !!!!

Dans nos cours d'eau de montagne, elle commence approximativement à la mi-Octobre pour se poursuivre jusqu'à fin Novembre. Les conditions (niveau d'eau, T°,...) font varier cette période.

 

Les éléments déclencheurs de cette phase annuelle sont méconnus.

 

Pour se reproduire, les truites recherchent des zones constituées de galets, plutôt de petites tailles, balayé par un courant assez marqué et constant.

 

La femelle prépare le "nid" en brassant les galets avec sa nageoire caudale, alors que les mâles se disputent le droit d'être le géniteur - le plus gros ayant généralement gain de cause.

 

Ce brassage des galets permet de faire évacuer les sédiments par le courant; les frayères apparaissent alors plus propres et s'identifient par une teinte plus claire que le reste du lit de la rivière.

 

En règle générale, les plus gros sujets (mâles et femelles) sont les premiers à frayer

La femelle pond ses œufs qui sont immédiatement fécondés par la laitance du mâle. C'est pour cela qu'on voit souvent deux poissons collés l'un à l'autre sur la frayère, le mâle étant en retrait par rapport la femelle.

Les œufs viennent se loger dans les interstices entre les galets. La femelle peut brasser de nouveau les galets pour mieux recouvrir les œufs.

 

Une femelle peut pondre de 1500 à 4000 œufs par kilogramme de son poids.

La durée d'incubation est de 410 jours à une température constante de 1°C. (ou 80 jours pour une eau à 5°C).

 

Juste après l'éclosion, l'alevin mesure 1.5cm et porte sous son abdomen une poche nutritive - appelée sac vitellin - qui lui permet de grandir, le temps qu'il puisse se nourrir de lui-même par la bouche. Pendant cette période, il reste dans la frayère.

 

Il ne va "émerger" de la frayère que lorsqu'il sera capable de commencer à manger, à la taille de 2.5cm environ.

 

Les taux de survie sont assez faibles (<10%)

Dans nos cours d'eau, cette émergence se fait courant avril.

C'est pourquoi il est important en début de saison de pêche de ne pas piétiner ces frayères et donc d'éviter de pêcher en marchant dans l'eau.

 

La fraie s'étalant sur plus d'un mois, l'émergence des alevins s'étale également. Il n'est pas rare de voir sur les petites ruisseaux des alevins de plusieurs centimètres à côté d'alevins de 2.5cm.

A la fin de l'été, les truitelles mesurent de 6 à 9cm.

La croissance est très variable suivant les cours d'eau et les régions. Elle est beaucoup plus lente dans le Massif Central (avec des rivières granitiques) que dans les Alpes (calcaire).

 

La maturité sexuelle arrive entre la 3ème et la 4ème année.

 

Dans les petits ruisseaux de montagne, des truites de 15 à 16 cm sont matures et peuvent se reproduire.


Impact des aléas climatiques sur la repro

Pour avoir un bon recrutement en juvénile; il est indispensable que les conditions lors de la fraie soient bonnes : un débit correct pour que les truites aient accès aux zones de fraie.

 

Trop d'eau, elles pourraient se reproduire dans des zones qui pourraient se retrouver à sec lors des basses eaux hivernales.

Pas assez = difficulté pour accéder à certaines frayères.

 

Les crues automnales ou hivernales peuvent être dévastatrice, comme le 4 Janvier 2018, où l'augmentation brusque du débit et son niveau "extraordinaire" remodèle complètement le lit de la rivière, si bien que les frayères sont balayées et les oeufs dispersés. Résulat : aucun recrutement en juvénile sur le Lignon.

Seul les ruisseaux qui ont des débit beaucoup plus faible permettent de conserver des frayères qui permettront aux oeufs d'arriver jusqu'à l'éclosion.

 

L'autre période critique est l'émergence.

En avril, alors que les alevins émergent des frayères, un coup d'eau peut avoir des conséquences néfastes.

Tant que la vésicule (réserve de nourriture) ne s'est pas résorbée, ils ont une faible capacité de déplacement

Sur les dernières années on avait eu :

  • le 31/05/2010 : 8.8 m3/s
  • le 29/04/2012 : 9 m3/s
  • le 01/05/2013 : 22.3 m3/s
  • le 02/05/2014 : 4.98 m3/s
  • le 01/04/2015 : 8.35 m3/s
  • le 29/05/2016 : 12.2 m3/s
  • le 04/04/2018 : 15.1 m3/s

En 2016, on avait eu droit a de très belles populations d'alevins lors des pêches électriques, donc le coup d'eau n'avait pas eu d'impact (mais il était fin Mai)

En 2014, on avait eu des alevins en quantité moyenne (mais le coup d'eau était moins marqué que cette année)

En 2018, tout avait été balayé en janvier, donc...(seuls quelques ruisseaux avaient sauvé l'honneur)

En 2013, où on peut parler de très gros coup d'eau (débit instantané très fort mais moyenne journalière plus faible qu'une crue ) on avait retrouvé des alevins sur les ruisseaux et petites rivières (Lignon à Jeansagnière) mais quasiment aucun sur le Lignon au Pont-Neuf !!!

En 2019 et 2020, pas d'événement majeur, et de super belle repro avec des densités magnifiques.

 

Cette résilience des petits ruisseaux est le fondement de notre volonté de les préserver et de les restaurer le cas échéant, volonté qui se concrétise à travers les projets engagés sur le payonnet, le sagnat, le verdier et l'essende !!!

 

Au sujet des crues, sur les 10 dernières années, voici le classement avec le débit instantané (le classement est effectué selon le QJM = débit journalier moyen, ce qui explique que les 22.3 m3/s instantané du 01/05/2013 ne figure pas dans ce classement):

  • le 04/01/2018 : débit instantané = 86.6 m3/s (crue de fréquence de retour centennale)
  • février 2021 = 56 m3/s
  • le 08/08/2013 : débit instantané = 54.5 m3/s (crue de fréquence de retour cinquantennale)
  • le 29/12/2021 = 52 m3/s
  • le 30/03/2015 : 25.4 m3/s
  • le 31/12/2011 : 23.4 m3/s
  • le 22/11/2016 : 21.5 m3/s